10 Questions à Frédéric Malle autour du Lancement de Portrait of a Lady par Editions de Parfums {Perfume Q & A}
Dans la série Autour du Lancement de...
Portrait of a Lady est le dernier-né des parfums lancés par la maison française Editions de Parfums fondée en l'an 2000 par Fédéric Malle. Nous avons demandé à l'éditeur de parfums quel fut le processus de création autour du nouveau parfum signé par Dominique Ropion. Les réponses de Frédéric Malle pointent de manière consistente vers la nécessité de partir des ingrédients eux-mêmes tout en nous rappelant des vérités simples et inaliénables: créer un parfum qui mérite ce nom c'est atteindre à un certain état de grâce qui est tout simplement, et de manière exigente dans le même temps, de sentir bon et d'être beau. Malle nous invite également indirectement à nous interroger sur le champ de la littérature olfactive en nous faisant prendre mieux conscience qu'il se pourrait fort bien que celle-ci soit un genre bien plus indépendant des parfums dont elle pense rendre compte que ce à quoi l'on pourrait logiquement s'attendre. Un grand soupçon de licence poétique pourrait bien être l'ingrédient nécessaire toujours inclus dans les transpositions littéraires et les critiques de fragrances, ce que Rousseau appelait l'imagination.
TSS -Avez-vous lu The Diary of a Man of Fifty de Henry James, la version que l’on pourrait être dite masculine de The Portrait of a Lady, un ouvrage bien moins connu même des aficionados, écrit un an avant ce dernier ou est-ce une simple coïncidence (le fait que Portrait of a Lady soit issu de Géranium pour Monsieur)?
Frédéric Malle - Mon métier est de travailler avec des parfumeurs sur les projets dont ils ont envie. Nous partons de matières premières ou d'autres inspirations olfactives, mais jamais d'idées littéraires. Aussi, il n'est pas question de faire une série de parfums autour de et tirés de l'oeuvre d'Henry James...
- Qu’est-ce qui vous a le plus frappé dans le roman The Portrait of a Lady et le personage central d’Isabel Archer qui ont justifié pour vous le baptême du parfum de ce titre?
C'est toujours à la fin d'un développement olfactif, alors que la personnalité d'un parfum s'affirme totalement que son nom me vient à l'esprit.
Je trouvais au parfum de Dominique une élégance aristocratique, aussi son nom me vint comme une évidence.
Le rapprochement avec le personnage d'Henri James s'arrête là.
Le parfum n'est pas chose intellectuelle.
- Portrait of a Lady, le parfum, s’inspire d’un aspect de Géranium pour Monsieur -- l’approfondissement d’un accord en parfumerie, est-ce de la création?
Il ne s'inspire pas d'un aspect, il en reprend l'accord, pour être plus précis.
Retravailler un même thème en parfumerie, me semble en effet être un acte de création, surtout si l'accord en question a été crée par le même auteur que l'accord de départ.
C'est un acte de création au même titre que ca l'est en peinture quand Rembrandt fait des centaines d'autoportraits, Cézane des centaines de montagne Saint Victoire, Monet de Nymphéas, Picasso des tableaux cubistes, Warhol des chaises électriques.....
- La rose dans Portrait of a Lady était-ce pour être sûr de faire un féminin d’un masculin? Derrière ce jeu autour du masculin et du féminin, quelles sont les zones d’ombre, de fondu-enchaîné des genres?
J'imagine que ce genre de questions appartiennent aux gens de marketing, en tout cas, je ne me les pose jamais.
- Portrait of a Lady présente une facette métallique: est-ce volontaire ou est-ce un effet secondaire et comment avez-vous collaboré sur cet aspect-là?
Je pense que vous faites référence à un aspect de l'essence de rose. Il y en a énormément dans la formule.
ça ne nous a pas gêné, c'est pour ça que nous n'avons pas cherché à le gommer.
- Y a t-il une volonté figurative dans l’aspect encens, voile de fumée de Portrait of a Lady? On pense à une allusion vestimentaire féminine…
- Non, nous trouvions simplement que cette qualité d'encens se mariait particulièrement bien à l'essence de rose.
Une fois de plus, comprenez que le nom chez nous vient une fois que le parfum est fini.
- La fragrance présente une qualité sombre et fait penser à l’épaisseur des parfums à la rose et à l’oud. Est-ce votre manière à vous de pencher vers un accord iconique de la parfumerie orientale?
Nous ne pensons pas marché quand nous travaillons un parfum. Nous essayons simplement de faire de belles choses.
Quels sont vos parfums préférés à la rose? Quelles sont, à votre avis, les compositions les plus admirables créées autour de la rose si tant est qu’il soit vrai qu'il puisse exister une distinction entre admirer un parfum et l’aimer.
- Nahema, quand il est sorti me semblait un parfum extraordinaire. J'ai aussi beaucoup admiré Paris d'Yves Saint Laurent, Tea Rose, Une Rose d'Edouard Fléchier, Aromatics Elixir. J'en oublie sûrement.
- A quel moment avez-vous su avec Dominique Ropion que le parfum était terminé?
- Quand il se mit à sentir bon.
Avant, ce n'était qu'un espoir. Une idée. Un idéal dont nous nous rapprochions, mais qui ne tournait pas rond.